Face à des situations à risques : alerter, signaler et mettre en responsabilité notre employeur

La crise inédite que nous vivons laisse apparaître des défaillances en matière de protection sanitaire des personnels. Il est de notre de dénoncer la dégradation des conditions de travail qui continuent de mettre les personnels en grande difficulté.

Absences non remplacées, tensions avec les usagers, interprétation des consignes différentes d’une hiérarchie à l’autre, incohérence des consignes données, gestion quotidienne des contaminations par des directeurs d’école sans décharge suffisante, …

Comment alerter, signaler et mettre notre employeur en responsabilité face à ces situations à risques ?

situations à risques au travail : Alerter, signaler et mettre en responsabilité nos chefs des servicesPandémie, tensions et situations à risques au travail : il y a urgence !

La gestion des situations créées par la pandémie et la complexité du protocole sanitaire peuvent mettre les personnels en présents sur le terrain en grandes difficultés.

Depuis la rentrée du 3 janvier, les équipes éducatives, ou ce qu’il en reste dans certains endroits, s’organisent et tentent de faire face. Mais leur dévouement et leurs ressources internes trouvent très vite leurs limites dans les établissements ou les zones les plus touchées .
Après la grève du 13 janvier, qui a fait bouger un peu les choses, comment arriver à se faire entendre au quotidien ?
Le droit retrait est évoqué par certains personnels dans certaines situations.
Chaque agent a bien entendu le droit d’y recourir en fonction des situations de travail qu’il rencontre.
Mais pour le Sgen-CFDT, il n’appartient pas aux personnels de payer de leur poche ou de se mettre en risque de conflit avec leur employeur pour des situations de travail qui relèvent d’abord de la responsabilité et de la gestion de leur hiérarchie.
Il est d’abord nécessaire de mettre en responsabilité nos chefs de service des situations ainsi créées par leur gestion.

Alerter, signaler

Alerter l’employeur

L’agent ou les personnels confrontés à des situations de dysfonctionnement de leur établissement ou service, d’atteintes à la sécurité, leur santé des usagers ou des personnels ou à leurs conditions de travail, doivent d’abord alerter l’employeur des risques rencontrés à l’aide des procédures réglementaires : droit d’alerte, signalement dans les registres obligatoires (RSST, RDGI), DUERP,…

  • Tous ces registres doivent être présents et accessibles  dans chaque établissement et chaque service. (Intranet ou autre)
  • Cette démarche est censée être individuelle mais aura plus de force si elle est collective avec d’autres collègues.
  • Chaque agent·e peut retrouver sur l’intranet académique les comptes rendus des CHSCT de son département.

A titre d’exemples, on peut signaler :

  • des situations où il est matériellement impossible d’empêcher le brassage des élèves (piscine, cantine,..),
  • le manque ou la défectuosité de matériels de protection (problème d’ouverture de fenêtre pour aérer, savon, gel, masques),
  • l’absence de capteurs de CO2
  • les absences non remplacées (enseignant·es, ATSEM, AESH,…),
  • les refus de respect du protocole sanitaire par des parents ou des personnels,
  • le manque de soutien ou de consignes claires vis-à-vis des personnels ou des familles (attestations)…

Cette démarche met en responsabilités administrative, civile et pénale l’employeur des risques signalés tout en dégageant celles de l’agent.

  • Elle assure  preuve et traçabilité de la situation en cas d’enquête.
  • Cela met une certaine pression et peut permettre que le signalement soit sérieusement pris en compte et traité.

Pour les questions relevant de la compétence d’une collectivité territoriale, le signalement est à adressé conjointement à celle-ci et à l’employeur qui reste responsable de la santé au travail de ses agents (article L4121-1 du code du travail).

Les « copie à » des signalements

L’agent adresse directement son  signalement au chef de service (président d’université, directeur DASEN, recteur,…)  avec copie au CHSCT compétent.

Dans l’enseignement scolaire, bien que ces démarches ne relèvent pas de la voie hiérarchique le Sgen-CFDT vous conseille de mettre également en copie l’IEN (1er degré) et le chef d’établissement (2nd degré) ainsi que leurs assistants de prévention qui seront de toute façon saisis.

D’autres copies peuvent également être adressées selon les situations : médecin du travail (si la santé du ou des personnels est menacée), médecin scolaire (la santé des élèves est menacée) et dans tous les cas, à l’inspecteur santé et sécurité au travail du rectorat (ISST).

Ces procédures sont communes à tous les agents de la fonction publique et doivent se trouver obligatoirement accessibles sur le lieu de travail de l’agent (école, établissement,  service, université, CROUS, GRETA, CANOPE,..).

Le droit d’alerte et le signalement dans le RDGI (registre des dangers graves et imminents)

L’agent qui constate une situation de risque a le droit et le devoir d’alerter.

C’est le « droit d’alerte », prévu à l’article 5-6 du décret 82-453 du 28 mai 1982 : « L’agent alerte immédiatement l’autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. ».

Cette situation donne lieu ultérieurement à la rédaction d’une fiche qui sera transmise à l’employeur et consignée dans le RDGI.

Dans le cas des situations à risques liées à la crise sanitaire, l’alerte pourra prendre directement la forme d’une fiche rédigée RDGI adressée à l’employeur.

A la suite du signalement l’autorité administrative ou son représentant (IEN, chef d’établissement)  doit procéder sur le champ à une enquête.

C’est donc un  signalement qui a  des conséquences immédiates et ne doit pas être utilisé à la légère.

Le signalement de situations à risques dans le Registre santé et sécurité au travail

Pour le Sgen-CFDT, c’est souvent la procédure de signalement la plus adaptée aux situations rencontrées par les agents car simple et facile à mettre en œuvre.

Le signalement des situations à risques dans le RSST est une démarche volontaire ouvertes à tous les agents quelles que soient leurs statuts (titulaire, contractuels, ..) ou leurs situations (présentiel, télétravail, ..)

Retrouvez toutes les informations pratiques sur l’utilisation du RSST en période d’épidémie COVID, les conseils du Sgen-CFDT et les précautions à prendre dans les ressources complémentaires dans notre article : « Registre Santé et sécurité au Travail : un droit et une procédure plus que jamais nécessaires »

La démarche du DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels)

C’est une procédure annuelle obligatoire à mettre en œuvre par l’employeur qui doit recueillir les risques pour la santé et les conditions de travail auxquels ses agents peuvent être exposés.

Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, il est important que les agents qui se sentent exposés à des risques demandent à ce qu’ils soient mentionnés dans le DUERP.

Il est de la responsabilité de l’employeur, dans la mesure du possible, de remédier aux risques identifiés, soit en les supprimant, soit en les évitant ou en les limitant, par des mesures de prévention.

Les signalements du RSST devront  être repris dans le DUERP.

La nature des situations à risques signalées est la même (risques matériels, risques psychosociaux,…).

Les personnels et les usagers doivent donc être associés à cette démarche mais cette procédures est encore très mal appliquée et beaucoup d’agents n’en ont jamais entendu parler.

Il importe de rappeler que l’absence de rédaction du D.U.E.R.P. est une faute de l’employeur punie par une amende. Cette carence est susceptible d’être invoquée par les agents victimes d’accidents de service, ou leurs héritiers, à l’occasion d’un contentieux en responsabilité.

Situations à risques liées à la pandémie et droit de retrait

L’exercice du droit de retrait lié à la crise sanitaire peut trouver des motifs de mise en œuvre légitimes (absence de masques).

Pour le Sgen-CFDT,  celui-ci est cependant à utiliser avec  prudence. C’est une procédure lourde qui peut mettre l’agent en conflit avec sa hiérarchie, entraîner des sanctions en cas de mauvaise foi et ne peut s’exercer qu’à certaines conditions très restrictives pour un enseignant.e chargé.e d’élèves.

Les tribunaux examinent chaque situation au cas par cas.

La protection fonctionnelle

C’est l’obligation de protection des agent·e·s par l’employeur public contre les atteintes volontaires à leur intégrité physique, les violences, le harcèlement, les menaces, injures, diffamations ou outrages dont ils et elles pourraient être victimes dans l’exercice de leurs fonctions.

L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a alerté il y a quelques mois sur les risques accrus de violence et d’agression dans le cadre professionnel en raison de la crise sanitaire. Les agents au contact du public sont particulièrement concernés et les enseignants font partie des professions les plus exposées. Le Sgen CFDT rappelle que chaque agent doit pouvoir bénéficier de la « protection fonctionnelle ».

Retrouvez toutes les informations pratiques et conseils du Sgen-CFDT sur la protection fonctionnelle dans notre article : « La protection fonctionnelle… après l’assassinat de Samuel Paty »

Plus d’informations selon les différents risques dans notre dossier

Dans tous les cas, contactez votre syndicat Sgen-CFDT pour être conseillé.e et accompagné.e.