[ACADEMIE] Déclaration préalable du comité technique du 16 octobre 2018

Lors du dernier comité technique académique avant les élections, le Sgen-CFDT Poitou-Charentes a lu une déclaration préalable pour attirer l'attention du recteur sur la situation des personnels. Une version téléchargeable et imprimable est disponible en bas de page.

Monsieur le Recteur,
Cher.es collègues,

Sourd aux alertes lancées par les organisations syndicales et les partenaires de l’école, aveugle aux résultats de la recherche et aux retours de terrain, imperméable aux dégâts causés par sa gestion au sein des services et des établissements, le modeste ministre qui se présentait comme un humble serviteur de la cause éducative, en technicien rigoureux et en pilote aguerri en a fini sa mue en animal politique. Il aura sa loi, il a d’ores-et-déjà la reconnaissance de celles et ceux qui font de l’école un champ de bataille et un outil de placement social, au détriment des élèves comme des agents.

 

Une politique de défiance et un financement insuffisant

Instrumentalisation des difficultés scolaires des élèves par des évaluations qui n’ont pas de sens en terme d’apprentissage, recours dogmatique à quelques résultats partiels de la recherche dans le même temps que les regards extérieurs sont soigneusement chassés, exposition à outrance des chiffres des effectifs dédoublés dans les écoles quand les classes voisines explosent, de quelques parcours d’enfants porteurs de handicap pour faire oublier les centaines de cas non pris en charge, injonctions contradictoires comme sur les outils numériques ou l’innovation pédagogique par exemple, calendrier et méthode aberrants pour la réforme des lycées qui ne fait pas le lien avec celle du premier cycle universitaire, et maintenant un texte fourre-tout dont le rejet hier en Conseil supérieur de l’Éducation est un désaveu cinglant de cette confiance matraquée par messagerie interposée.

A ces choix qui nous inquiètent sur le fond, à des méthodes qui abîment le lien démocratique, s’ajoutent désormais les restrictions budgétaires et les menaces sur les acquis sociaux, annoncées pendant la campagne mais cyniquement retardées dans le calendrier gouvernemental pour faire ressentir leurs effets le plus tard possible face aux échéances électorales professionnelles et européennes, restrictions dont nous savons, nous qui siégeons ici, qu’elles auront des conséquences bien concrètes sur nos conditions de travail et sur la qualité du service, en particulier par la saignée des postes administratifs.

 

Un syndicalisme responsable et constructif et par conséquent déterminé

Dans cette période d’enfumage médiatique où la réalité semble avoir perdu du terrain sur la fiction politique, le Sgen-CFDT s’attache à poursuivre son travail de représentation et de défense des personnels, et à garder son principe de regarder chaque texte, d’étudier chaque proposition, de combattre chaque désaccord à l’aune de son projet pour le système éducatif et des apports des praticien.nes, des chercheur.ses et des expert.es dans les domaines concernés. Ainsi, sur l’orientation des élèves comme sur les formations initiales des enseignants, nous préférons le délicat exercice du bilan étayé par des enquêtes et des rapports que de rester sur une première impression ou sur des postures résumées en 280 caractères.

Nous savons, M. le Recteur, cher.es collègues, que les marges de manœuvre de l’instance qui nous réunit sont bien faibles au regard des enjeux que nous venons d’évoquer. Nous le déplorons depuis la création des comités techniques, qui n’ont jamais été pris bien au sérieux par notre employeur. La fusion des académies qui se fait sans eux, dans une perspective descendante, à marche forcée et sans que les objectifs politiques et budgétaires en soient clairement posés, risque bien de contribuer au désamour et à la défiance des personnels.

Les réunions d’information et les échanges informels sont nécessaires mais pas suffisants : nous exigeons que tous les agents soient associés à la réflexion afin de s’approprier la réorganisation et de pouvoir contribuer à sa construction, et ceci en direct mais aussi à travers leurs représentant.es.

 

Réforme des lycées

Concernant les réformes des lycées, il en va de même. Nous commencerons par redire ici que nous nous sommes fortement opposés à celle de la voie générale et technologique, et que nous ne sommes pas satisfaits de celle des baccalauréats professionnels ce qui nous a amené à nous abstenir sur ce texte.

Si à ce jour dans les LGT les remontées nous laissent penser qu’enfin les conseils pédagogiques se réunissent et si nous remercions les chef.fes d’établissement et les inspecteurs.trices pour leur réactivité cet été alors même que leur charge de travail n’avait pas véritablement été anticipée par le ministère, il ne reste pas moins que les conseils d’administration n’ont pas pu se saisir de la question de la carte des spécialités, et que le rythme infernal qui est imposé, encore une fois, pour la mise en place de ces évolutions, limite sérieusement la prise en main pédagogique par les équipes.

Nous demandons que du temps soit accordé à chaque établissement, sous une forme souple, pour que les collègues puissent contribuer à la réflexion sur l’architecture pédagogique et déterminer collectivement ce qui leur convient le mieux en terme d’organisation, et également pouvoir prendre en main les contenus quand ils seront enfin connus. Les professeur.es principaux de seconde doivent être conseillés et guidés dans leur mission d’orientation, dans une période compliquée car nous ne disposons pas des textes ni même des projets de programmes et d’épreuves d’examen, et où en plus les psychologues de l’Education nationale se voient refuser le droit de faire leur travail d’accompagnement en étant interdit.es de séjour dans les établissements. Les personnels de direction doivent être outillés et formés pour préparer les répartitions et construire les emplois du temps afin que les contraintes organisationnelles ne soient ni un frein aux choix éclairés mais libres des élèves, ni une porte ouverte au retour des filières dissoutes. Enfin, il apparaît indispensable de discuter ici de la question des options facultatives et des dispositifs spécifiques comme les sections européennes ou les classes à horaires aménagés, de leurs finalités et de leur financement, si nous ne voulons pas que le nouveau monde ne ressemble trait pour trait à l’ancien en terme de prédétermination sociale.

En ce qui concerne la voie professionnelle, nous contestons le calendrier de la mise en place de la réforme tel qu’il semble se présenter : on demande aux chef·fes d’établissement de faire remonter pour le 8 novembre les demandes d’ouvertures de sections alors que persistent des inconnues sur les familles de métiers et sur certains référentiels. De plus il est impossible de réunir les conseils d’administration en heure et en temps…

Et quid de la présentation de la carte des formations niveau IV et V au CAEN du rectorat de Poitiers, avant la commission permanente de la région Nouvelle-Aquitaine qui ne se tiendra qu’en février et que les dotations horaires arrivent dans les lycées professionnels en janvier ?

 

Evaluations standardisées des élèves, craintes pour celles des personnels et pour leur temps de travail

Concernant les évaluations en primaire, et encore une fois sans préjuger du fond, car nous n’avons pas le temps de discuter ici de la dérive évaluationniste du ministère, nous réitérons la demande formulée en audience que le temps de saisie et d’analyse des résultats soit décompté des 108 heures car la reconnaissance immatérielle de la charge de travail des professeur.es des écoles a ses limites.

Nous vous demandons aussi, au vu des toutes dernières déclarations du ministre, de garantir aux collègues que ces résultats n’ont bien qu’un intérêt statistique, qu’ils ne serviront pas à l’évaluation individuelle des enseignant.es et qu’ils n’auront d’incidence que positive et concertée avec les équipes sur les écoles, les moyens et les accompagnements. Nous répétons le danger qu’il y aurait pour les élèves comme pour leurs familles à imposer une méthode prétendument miraculeuse qui agirait mécaniquement sur les apprentissages.

 

Version téléchargeable : DeclaCTAoctobre2018