Témoignage d’une CPE

Ce texte est le témoignage d'une militante du Sgen CFDT Poitou Charentes, CPE.

Où êtes-vous ?

13 octobre… encore une fois…

D’abord, il n’y avait pas de mots. Puis, un besoin d’appeler, de dire « c’est pas possible, pas encore ! ». Et j’ai pleuré. J’ai pleuré pendant la minute de silence en comprenant que, peut-être, ça arriverait de nouveau, encore.

Après, est venue la colère et d’abord la colère contre ceux qui voudraient nous faire taire. Je sais pourquoi je suis là, dans cette institution. Je suis CPE comme une vocation, je suis CPE pour permettre à mes élèves de devenir des citoyens éclairés, je suis CPE pour leur permettre d’apprendre à vivre libres, pour que les jeunes femmes sachent revendiquer leurs droits, pour que les jeunes LGBTQIA+ se sentent entendus et en sécurité, pour que , chacun-e, quelle que soit sa couleur ou son origine se sente l’égal-e de l’autre, pour que chacun puisse faire ses choix en conscience, pour que mes élèves arrivent à se diriger dans cette masse envahissante d’informations, pour qu’il apprennent à exercer leur esprit critique. Je veux les aider à ne pas se faire avoir par les discours simplistes et simplificateurs, sans aucune nuance, de ceux qui veulent les mener à l’aveuglement, à l’intolérance et au rejet de l’autre. J’aime et je revendique la devise de la République : Liberté, Egalité, Fraternité et je défends le principe qui s’attache à elle, la Laïcité, celle qui permet que chacun vive sa liberté. Personne ne me fera taire !

La Fraternité, celle-ci me paraît être celle qui permet toutes les autres. Dans ma tête, toujours, la phrase d’Abdenour Bidar pour l’illustrer : « Réparer ensemble le tissu déchiré du monde ». Ensemble, oui mais avec qui ? Avec mes collègues, avec nos équipes de direction, avec nos équipes, avec nos élèves, oui. Mais comment ne pas avoir en tête, aussi, le mépris de nos autorités à notre encontre depuis plusieurs années. Comment ne pas être en colère face à la défiance, à l’absence de soutien, au silence, surtout ? Pourquoi nous avez-vous abandonnés ? Qu’avez-vous fait de l’Ecole ?

En ce 16 octobre, je vois et j’admire mes collègues qui sont là, avec courage, qui font le job parce que, comme beaucoup d’autres, ils savent ce qu’ils font là, nos autorités n’ont pas à leur rappeler. Ne vous inquiétez pas, ils sont là même s’ils se sentent parfois désarmés et un peu inutiles parce que pas soutenus. Ils seront là non parce qu’on leur demande mais parce qu’ils ont leur métier de profs, de CPE, de personnels de direction, d’AED, d’AESH chevillé au corps et qu’ils ne lâcheront rien. Je vois cette collègue, complètement abattue en salle des profs qui, devant ses élèves, saura se redresser et faire face, répondre à leurs questions, leurs angoisses et, parfois, leurs provocations. Mais pour combien de temps encore. Nous sommes épuisés, ne le voyez-vous pas ?

Où êtes-vous ?

Regardez-nous vraiment ! Soyez à nos côtés vraiment ! Donnez-nous de la considération ! Faites-nous confiance !

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