Situation de notre système éducatif : la sensation de saut dans l’inconnu perdure – billet d’humeur d’une PERDIR

Déclaration de notre représentante cheffe d'établissement en réunion des personnels d'encadrement de la Charente

Au nom de la CFDT Education, je me permets de vous adresser mes meilleurs vœux pour cette année 2025, même si une sensation de saut dans l’inconnu perdure. J’ai une pensée toute particulière pour Mayotte et ses habitants, quels qu’ils soient, en espérant que la République soit à la hauteur des engagements tenus pour une reconstruction rapide des infrastructures endommagées, en particulier les établissements scolaires et de santé, et bien entendu de l’habitat. Et il me vient une première citation du Petit Prince : « tu es responsable de ce que tu as apprivoisé »….

Cette année scolaire bien entamée voit ainsi arriver sa 6è ministre en deux ans et demi (si si, comptez bien…), et malgré les circulaires, décrets, réformes en tous genres, campagnes d’évaluation toujours plus chronophages, l’Ecole française reste une des plus inégalitaires qui soient. Le Petit Prince a dit : « Quand le mystère est trop impressionnant, on n’ose pas désobéir ».

Alors bon an, mal an, nous, les personnels de direction, appliquons au fil de l’eau, toutes ces circulaires, ces décrets, ces réformes en tous genres, nous organisons les campagnes d’évaluation, avec ce sentiment grandissant de déclassement, puisque nous nous transformons lentement, mais sûrement, en super secrétaires, exécutant les ordres, contre-ordres, avec de moins en moins de marges de manœuvre, voyant disparaitre, au fil du temps, cette marge d’autonomie pourtant gravée dans le marbre, du Code de l’Education et qui nous est si chère. Le fléchage des heures de Pacte est un bel exemple de cette lente disparition de notre autonomie, au même titre que la disparition des HSE destinées au RCD (HSE qui, au passage, ont perdu de leur superbe dans le ratio HSA/HSE, histoire de faire quelque économie de bout de chandelle, alors que dans le même temps, l’institution demande à ses personnels de s’engager dans diverses missions, pHARe, référent laïcité, référent égalité H/F, référent EDD, tutorat, missions ô combien essentielles, mais sans moyens suffisants pour fonctionner, alors comment motiver nos personnels ?). Au collège, le Choc des Savoirs, combattu dès le début par la CFDT Education, a eu comme effet de souder nos organisations syndicales dans un refus uniforme, étayé, argumenté, puisque cette réforme va à l’encontre des valeurs que nous portons. On nous a écoutés, mais pas entendus, puisque les groupes de besoin ont vu le jour, malgré les recours, et en premier lieu celui de la CFDT Education au près du Conseil d’Etat. Celui-ci a d’ailleurs fini par annuler l’arrêté du 15 mars 2024…. Le pilotage par les chiffres, si rassurant, peut apparaitre comme une gageure, tant les différences entre nos établissements, effectifs, localisations, particularités diverses, rendent les comparaisons difficiles. Ecoutons une fois encore, ce qu’en pense Le Petit Prince : « Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d’un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l’essentiel. Elles ne vous disent jamais : Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu’il préfère ? Est-ce qu’il collectionne les papillons ? Elles vous demandent : Quel âge a-t-il ? Combien a-t-il de frères ? Combien pèse-t-il ? Combien gagne son père ? Alors seulement elles croient le connaître. »

Nous continuons à crouler sous les tâches, missions, chaque année, nous nous demandons combien de temps nous allons encore tenir. Le nombre décroissant de personnes qui s’inscrivent aux concours de l’Education Nationale est un des signaux qui devraient alerter notre vénérable institution sur le mal-être grandissant de ses personnels. Au lieu de cela, on nous inflige des outils dignes des calamités bibliques, notre invasion de sauterelles à nous s’appelle Op@le, logiciel comptable au départ prévu pour d’autres ministères qui n’en ont pas voulu (et on les comprend !). Que dirait le Petit Prince ? Sûrement pas ceci : « C’est véritablement utile puisque c’est joli ».

Alors certes, il y a eu le RIFSEEP, dont le principe existait déjà dans d’autres ministères. Il s’agissait juste de s’aligner sur ce qui se fait ailleurs depuis longtemps. Malgré cela, nous restons les cadres A les plus mal payés de toute la fonction publique. Et que dire du passage à la hors-classe, toujours aussi limité, malgré de menues améliorations. Et pourtant, si le système tient toujours, c’est grâce aux petites fourmis laborieuses que nous sommes, car les attentes envers l’Ecole sont immenses, et il nous appartient de répondre à ses attentes car, au final, nous aimons notre métier, passionnant, déconcertant, imprévisible. Ce qui nous anime, ce sont les élèves qui nous sont confiés, même si, et je cite encore et toujours le Petit Prince, « toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent ». Mais en l’absence de véritables moyens, avec cette médecine scolaire réduite à portion congrue, ces services sociaux débordés, cette justice aux moyens insuffisants, ces AESH sous-payés, comment accompagner comme il se doit ces jeunes, et en particulier ceux qui ont le plus besoin de nous ? Le Petit Prince dirait « Les enfants doivent être indulgents avec les grandes personnes », mais cela ne suffit plus.

Et que dire cette violence que nous subissons au quotidien, violence sociétale qui s’immisce dans l’Ecole de la République, qui insulte, malmène ses personnels. Et nous, perdirs, nous sommes au front, à faire face à l’agressivité de certains élèves, de certaines familles, bien seuls souvent. Violence des réseaux sociaux, des médias, et si peu de réels moyens pour combattre cela, alors que c’est une de nos missions essentielles !

L’Ecole de la République va bien mal, et cela ne date pas d’hier. A la CFDT Education, nous alertons depuis longtemps, mais force est de constater que les choses ne s’arrangent guère. A quand une véritable concertation avec nous, véritables experts de terrain autour de la question Ecole Publique et de ses enjeux ? Une mise à plat des échecs, dysfonctionnements mais également des réussites est nécessaire, urgente. Cela prendrait du temps, mais « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui rend ta rose importante ». Mise à plat locale, nationale, cela ressemblerait à des Etats Généraux des temps modernes, avec analyses et propositions de terrain, et le Petit Prince aux manettes, bien sûr « Pose des questions, mais surtout, écoute les réponses ».

Mais en attendant, si l’institution ne prend pas davantage soin de nous, de tous ses personnels, il y a fort à parier que le système s’écroulera tel un château de cartes usées. Nous sommes et restons des serviteurs de l’Etat, dans une des plus belles institutions qui soient, mais il est plus que temps de recevoir ce qui nous est dû : la reconnaissance, l’écoute, la protection et la confiance. Tout ceci nous manque cruellement, et même si une dernière fois, le Petit Prince prend la parole et dit « il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner », il est urgent de dire que la coupe est pleine, et qu’elle est en train de déborder.

Alors, en attendant la prochaine échéance, nos DGH, je vous remercie pour votre attention et vous souhaite « des paillettes dans votre vie », avec ou sans Kevin….