La première session des Epreuves de Spécialité (EDS) du « nouveau » bac a eu lieu les 20, 21 et 22 mars 2023. Le Sgen-CFDT a interrogé ses adhérent.es pour un premier bilan.
Sur les EDS en mars, trois constats s’imposent au regard des premiers retours : une désorganisation massive des enseignements, un désarroi profond des personnels et une incertitude permanente. Malheureusement ils confortent aussi nos alertes successives.
Une période désorganisée pendant trois semaines
La mise en place d’épreuves écrites au mois de mars contient son lot de contraintes prévisibles : banalisation des heures de cours pour tout un établissement pendant 3 jours, préparation de salles, mobilisation de personnels pour les surveillances. Elles étaient globalement anticipées en référence aux épreuves habituelles de juin.
Mais d’autres éléments se sont rajoutés in extremis : des recommandations pour la révision des élèves de terminale le vendredi précédent, ou encore des journées de mobilisation contre la réforme des retraites. L’administration avait recommandé diverses « occupations » possibles pour les élèves de 2nde et de 1ère, notamment le printemps de l’orientation. Mais dans une période où toute l’attention se focalise sur le bac, ces initiatives sont souvent restées anecdotiques.
Les conséquences sur la suite de la période ont par contre induit un immense gruyère dans les emplois du temps des élèves, par :
– la suppression des heures de spécialité pour les terminales pendant la fin de la semaine (mais pas des autres cours),
– les commissions d’entente,
– les épreuves pratiques et orales en complément des épreuves écrites,
– les réunions d’harmonisation,
– les ½ journées de correction libérées.
Ces désorganisations ont mécaniquement joué sur les absences des élèves de terminale, mais aussi de 2de et de 1ère.
La période de mi-mars à mi-avril a donc été une période de perte massive d’heures de cours, organisée par le système lui-même.
Un désarroi professionnel généralisé
Stress, surcharge de travail, manque de temps, déstabilisation, incompréhension, pression, inquiétude, épuisement, anxiété… sont les termes les plus souvent remontés dans les bilans des collègues.
Une superposition de contraintes
Durant cette période d’un mois autour des EDS, différentes contraintes se superposent.
D’abord celles liées au bac : corriger les copies avec des délais variables selon les disciplines et les académies, faire passer les épreuves complémentaires (pratiques et/ou orales), préparer les élèves de terminale au grand oral et faire face (sereinement…) aux retours des élèves sur leurs notes d’EDS.
Ensuite celles liées à l’orientation : les conseils de classe du 2nd trimestre, les fiches avenir de Parcoursup à remplir, les élèves à accompagner sur ces échéances cruciales.
Enfin, les contraintes « ordinaires » d’une fin d’année en lycée : finir les programmes, « mettre des notes » pour honorer les plans locaux d’évaluation, rassurer/remobiliser les élèves.
Dans cet ensemble de contraintes, quelle place pour les apprentissages des élèves ?
Pendant un mois ce sont les procédures liées à l’évaluation et à l’orientation qui ont dominé. Dans l’organisation précédente du bac, ces deux échéances étaient distinctes (l’une en mars, l’autre en juin). L’organisation des apprentissages en terminale avait comme horizon affiché la préparation aux épreuves de juin, et chacun composait avec d’autres objectifs en parallèle. Cette année, l’année est découpée : on passe d’une période avec la pression et le stress comme mode de pilotage, à une période où seuls les apprentissages et la soif de connaissances des élèves sont censés tenir lieu de boussole.
Une incertitude permanente
La démarche professionnelle à adopter pour surmonter cette succession de difficultés est laissée à l’appréciation professionnelle de chacun.e. L’impression générale de cette session pour l’instant est celle d’une immense incompréhension, d’une sorte d’hypocrisie géante. Chacun a été bousculé pour atteindre des objectifs mal identifiés.
La manière dont nous évaluons est questionnée :
Que représentent les notes du bac ? Doit-on être exigeant avec les élèves en contrôle continu ? Y-a-t-il réellement une augmentation des moyennes ? Quel niveau de maitrise doit être atteint pour toutes les compétences ?
Si les programmes sont plus exigeants, difficiles et intenses (dans une partie des spécialités), comment permettre la réussite de tou·tes nos élèves ?
Si les épreuves valident un niveau de connaissances et de compétences en mars, à quoi servent les contenus apportés entre mars et juin ?
De nombreuses confusions
La session 2023 est la 1ère session « normale » de la réforme du lycée prévue pour la session 2021. Elle se déroule, en effet, sans aménagement « Covid ». Or rien n’est encore complètement calé. De nombreuses confusions persistent : parties de programme pour les épreuves écrites pérennes ou non, parties exigibles pour les épreuves du 2nd groupe différentes selon les disciplines, consignes pour le grand oral (support ou pas support…)…
Chaque élément du bac semble susceptible de pouvoir bouger, y compris la date des épreuves. Les formations ont été largement insuffisantes pour sécuriser les acteurs. Une incertitude permanente associée à un pilotage par circulaire de micro-consignes perdure depuis la crise sanitaire. Cela épuise tous les acteurs.
Le ministère peine à donner du sens à sa réforme, à accompagner les acteurs et à obtenir les objectifs qu’il s’est assigné : simplifier le bac, desserrer la pression certificative, augmenter le niveau des élèves, …
Et pour les élèves ?
Les CPE, infirmières et Psy-EN notent depuis la crise sanitaire une augmentation du nombre d’élèves fragiles, stressés, à la limite de la rupture scolaire. Cette période des EDS ne les aide pas. En effet, ces quelques semaines, où plus rien ne fonctionne normalement, sont particulièrement perturbantes.
Une grande part des élèves de terminale après avoir travaillé sous pression se retrouve dans un trou d’air. Les élèves des autres niveaux quant à eux se retrouvent victimes d’une sorte d’improvisation permanente, où plus rien n’est vraiment stable. Il est difficile pour eux de s’y retrouver. Certain.es ont fait le choix de rester chez eux. D’autres choisissent d’être présent.es physiquement en classe mais peinent à (re)trouver de la motivation.
Il restera entre un mois et 6 semaines de cours après les vacances de Printemps. Cette période mitée comporte les ponts du mois de mai et les procédures d’orientation de fin d’année scolaire. Les personnels comprennent bien l’enjeu d’en faire une période utile. Cependant, le mode d’emploi pour y arriver reste très flou.