Groupes en collège, les textes sont parus

Après plusieurs mois de tergiversations, arrêté et note de service d'une réforme du collège qui ne dit pas son nom viennent d'être publiés.

Malgré un diagnostic partagé sur les difficultés du collège à faire réussir tous les élèves et à réduire les inégalités scolaires, le Sgen-CDFT constate avec amertume l’incapacité du gouvernement à proposer des solutions adaptées.

Oui, le collège actuel va mal.

Non, le « Choc des savoirs » et ses enseignements de mathématiques et français en groupes ne résoudront rien.

Cette mesure heurte profondément les valeurs de l’ensemble des adultes des communautés éducatives. Elle ne rencontre que le rejet et la crainte d’une plus grande détérioration des conditions d’accueil des élèves et des conditions de travail des personnels. Nous continuerons de la combattre.

Vous avez dit « groupes » ?

 L’arrêté ne contient plus le terme « groupes de niveau ». Il est maintenant question de groupes « constitués en fonction des besoins des élèves ». Pourtant, le premier ministre continue de communiquer sur la création de « groupes de niveau ».

Inutile de perdre du temps sur l’ambigüité du discours. Dire que les groupes de niveaux, c’est pour aider les plus faibles, relève du mensonge. Les études le montrent et rien dans les annonces ne laisse penser que cela pourrait être le cas : si une quinzaine d’élèves pour les élèves les plus en difficulté est cité comme un « objectif pertinent », les moyens pour une telle mise en œuvre n’existent pas !

Une promesse mensongère pour les élèves et leurs familles

L’objectif affiché est de permettre à tous les élèves de progresser. Objectif que nous partageons, mais que l’organisation en groupe rendra encore plus dur à atteindre.

Comment un groupe d’élèves faibles pourra-t-il atteindre le même objectif que des groupes d’élèves moins en difficulté ? Le regroupement en groupe classe ne devra pas dépasser 10 semaines et l’obligation de « flexibilité » de ces groupes n’est qu’affichage : sa mise en œuvre sera quasi impossible… Cette organisation du quotidien pensée depuis le ministère va se fracasser sur le réel, comme la réforme du lycée en son temps.

Quant à l’argument de groupes « en effectifs réduits » pour les élèves les plus en difficulté, s’il est mis en œuvre, ce sera au détriment de dispositifs que les équipes avaient pensés pour l’intérêt de leurs élèves.

La disparition de « la classe » pour environ 1/3 des cours aura d’autres effets. L’élève français est déjà le plus stressé d’Europe, d’après Pisa, et la notion de groupe classe est déterminante dans la construction de soi. Un cadre stable et rassurant est indispensable pour devenir collégien. Là, à 11 ans, l’élève de sixième devra construire ses repères avec un emploi du temps où il ne passera pas toute une journée avec le même groupe de camarades (et jusqu’à 3 groupes différents par jour voir plus selon l’organisation en sciences par ex.).

Enfin, quelle image de lui un élève construira-t-il quand il sera amené à rester dans le groupe des plus « fragiles » ? Quelle pression d’autres s’infligeront-ils pour rester dans le groupe « des bons » ? Ces effets sur les élèves sont un risque non pris en compte, pour eux-mêmes et pour les conséquences prévisibles sur le climat scolaire qui risque fort de se dégrader. Le « Vivre ensemble » devrait aussi être un objectif du collège.

Une mise en œuvre inconcevable

Obliger ses agents à mettre en œuvre l’insensé, l’impensé et l’impossible, le ministère est coutumier de cette pratique. Nous continuons à agir pour nous opposer à la mise en œuvre de cette réforme, mais projetons-nous un peu : quels effets sur le collège d’une telle organisation ? Il va devenir un cadre encore plus dégradé tant pour les élèves que les agents. C’est tout l’établissement qui va subir les dommages collatéraux du « Choc des savoirs.

Coté logistique

Des établissements vont manquer de salles de classes pour accueillir les groupes. Ni l’intérêt des élèves, ni les conditions de travail ne seront prioritaires pour penser les emplois du temps. L’alignement des classes sur les heures de français et maths et le positionnement des nombreux collègues qui subiront un service partagé en raison de cette réforme seront les priorités et c’est toute la communauté éducative qui verra son quotidien dégradé.

Côté vie scolaire le manque de salles se fera aussi sentir, alors que multiplication des groupes signifie multiplication de la probabilité d’avoir des élèves en permanence. Les CPE seront aussi en première ligne pour le suivi des élèves qui vont se perdre dans ce système et pour gérer les conséquences sur le climat scolaire.

Coté pédagogie

La prise en charge pédagogique aussi sera dégradée. Où trouver les professeurs principaux en nombre suffisant ? Comment, raisonnablement, envisager qu’un collégien ait pour professeur principal un prof qui ne l’aura pas en classe chaque semaine ?

Comme pour toute réforme qui implique de faire évoluer les pratiques, il faudrait former les adultes, or la formation est la grande absente de toutes les déclarations. Enfin, le conseil école-collège et le conseil pédagogique devraient être des lieux de réflexion et d’organisation du travail en groupe. Mais pour cela il faut du temps aux équipes pour se concerter et pour élaborer une ingénierie pédagogique. Ce qu’ils n’ont plus, notamment en raison des heures supplémentaires imposées. Deux demi-journées banalisées sont prévues dans la note de service, c’est positif mais cela ne suffira pas au vu du travail induit par cette [dés]organisation.

Quant aux professeurs des écoles qui intervenaient depuis un an en collège, le texte les évoque toujours mais sans penser l’opérationnalité. L’heure de soutien-approfondissement, dans laquelle ils intervenaient, disparaît après un an d’existence (sans évaluation du dispositif évidemment !).

Un projet que nous rejetons dans sa globalité

Les mots et les discours n’arrivent pas à cacher l’objectif du gouvernement : maintenir un système éducatif à plusieurs vitesses. Ce que nous demandons c’est qu’il s’attaque aux raisons multiples de la ségrégation scolaire et qu’il donne réellement aux équipes les moyens (heures, postes, autonomie…) de faire progresser tous leurs élèves.

Le doute est permis, avec ce projet de groupes, de voir là une mise de côté des élèves les plus en difficultés comme moyen de faire progresser les autres. De là à imaginer qu’ils sont considérés comme la cause de tous les maux du collège, il n’y a qu’un pas à franchir…

Et si le doute est permis quant à cette intention possible, c’est que les groupes ne sont qu’une face d’un projet global qui va voir :

  • le renforcement du poids de l’examen terminal du DNB en même temps que celui-ci conditionnera l’accès aux lycées (GT et Pro),
  • la réécriture des programmes dans une direction que nous craignons plus encyclopédique, laissant moins de place aux compétences (ex : EMC),
  • l’absence de projets pour la jeunesse autres que l’uniforme, le SNU et le respect de l’autorité…

 

PRÉAVIS DE GRÈVE déposé pour mardi 2 avril 2024 : Contre les mesures du Choc des savoirs et pour leur retrait

Tracts à imprimer :