Nous avons interrogé nos adhérent·es exerçant en collège sur la rentrée dans leur établissement. Voici quelques éléments à retenir de ces retours.
Il y a un peu moins d’un an, Gabriel Attal alors ministre de l’Éducation préparait le renouveau du collège… ou sa nomination au poste de Premier Ministre… y aurait-il eu confusion des objectifs ?
Cela a aboutit à l’annonce d’une série de décisions connues sous le nom de « Choc des Savoirs »… que d’aucuns ont préféré appeler « Chaos des Savoirs ».
La principale mesure du « Choc des savoirs » : les groupes
Pour le collège, la mesure qui a fait le plus parler d’elle est celle de la mise en œuvre de « groupes de niveaux » (version projet de texte initial, expression que Gabriel Attal n’a jamais cessé d’utiliser) aussi appelés « groupes de besoin » (version texte finalement mis au vote en CSE, unanimement refusé par toutes les organisations syndicales, et employée par Nicole Belloubet devenue ministre de l’Éducation… sauf quand elle fait un lapsus comme lors de sa conférence de rentrée !).
Quelle que soit l’appellation nous n’avons cessé de nous opposer à cette mesure puisque le changement de nom était surtout une façade, cachant bien difficilement l’idéologie de départ visant à séparer les bons élèves de ceux en difficulté qui les ralentiraient dans leur progression.
Alors, dans vos collèges de l’académie de Poitiers, en cette rentrée, qu’en est-il des groupes ?
Une chose est certaine : il n’y a pas « une » modalité de mise en œuvre commune de cette mesure : l’enseignement du français et des mathématiques, en 6ème et 5ème, sur tout l’horaire (dérogation possible pour 10 semaines maximum dans l’année) avec réexamen des groupes dans l’année (relire : Tract sur les groupes, mars 2024)
Le point commun semble-t-il est l’alignement « en barrettes » des classes d’un même niveau et ceci même lorsqu’il est annoncé que les groupes resteront les mêmes toute l’année. Pourquoi alors avoir mis cette contrainte en place ? Pour « répondre à la demande » au moins en apparence, pour « se couvrir »… faire comme si on faisait mais sans faire. Quel gâchis d’énergie ! Parce que, en effet, les retours dans notre académie (comme ceux d’une enquête similaire menée au niveau fédéral) montrent que la variété des modalités d’application du texte est immense.
Certains collèges (entendre soit équipe de direction, soit équipe enseignante, parfois les deux…) ont choisi de mettre en œuvre en suivant le texte au plus près. D’autres vont plus loin en choisissant la « classe de niveau » (risque dénoncé dès le lancement du projet), quand d’autres vont fonctionner avec des groupes hétérogènes qui ne changeront pas de l’année. Nous avons même constaté que le plus souvent, le fonctionnement choisi pour les mathématiques et pour le français n’est pas le même au sein d’un même établissement.
Les premières conséquences visibles
Il faudra attendre les premières semaines de mise en œuvre pour faire des constats sur le fond mais des premiers constats d’ordre « matériel » sont possibles :
– enseigner en groupe allégé, c’est apprécié par les collègues de maths et de français ! Cela tombe bien, avoir des classes moins chargées est une revendication que nous portons, notamment pour les prochaines années où il serait opportun de profiter de la baisse démographique pour non pas supprimer encore des postes mais voir l’opportunité d’une meilleure qualité d’enseignement, avec la possibilité de mieux prendre en compte les besoins de chaque élève. Et, évidemment, ce sont les enseignant·es de toutes les disciplines ont ce besoin.
– aligner les classes a créé de grosses contraintes sur les emploi du temps. Ceux des collègues de maths et français ont pu être particulièrement touchés mais ceux des autres collègues aussi, par répercussion. Ce sont aussi les journées des élèves qui sont dégradées avec dans un collège, un retour parlant de matinée de 5 heures de cours (en collège !) et plusieurs faisant été d’une pause méridienne réduite à une heure, ce qui est contraire au décret de 2016 qui prévoit une pause d’1h30 minimum.
– et puis des détails pratiques qui peuvent bien dégrader une journée ou l’organisation du travail : quid des séries de livre en français quand toutes les classes suivent la même progression ? quid du rangement dans la cour quand ce n’est pas une classe mais un regroupement d’élèves de plusieurs classes qui doivent se ranger ensemble ?
– Enfin, beaucoup rapportent qu’en terme d’occupation des salles, l’établissement arrive à un point de tension maximal or, sur ce sujet des groupes, souvenons-nous que le texte qui est appliqué par le gouvernement prévoit la généralisation aux classes de 4ème et de 3ème à la rentrée 2025. Accident industriel en vue ?
… ce ne sont là que quelques exemples, dossier à suivre.
Autres mesures du « Choc des savoirs » au collège : DNB, soutien, théâtre, EMC, etc…
DNB obligatoire ? Diminution de la part du contrôle continu ?
Lors de sa conférence de rentrée la ministre a dit que le projet d’un DNB obligatoire pour passer en seconde était gelé… Cela nous convient mais la ministre démissionnaire ne pouvait ignorer que le texte portant cette mesure est déjà passé en CSE et pourrait être publié ?
Elle a en revanche assuré que l’évaluation du DNB allait évoluer : moins de contrôle continu, fin des compétences mais prise en compte des moyennes… Cela ne nous convient pas mais la ministre démissionnaire ne pouvait ignorer qu’aucun texte à ce sujet n’a été présenté au CSE, rien n’a été publié ?… Donc règlementairement pour la session 2025 ce n’était pas possible, ce qui a d’ailleurs été annoncé officiellement depuis.
2 heures de soutien pour les élèves de 6ème les plus fragiles ?
Cette mesure existe dans les textes. Aucun financement n’a été prévu. Dans les retours à notre enquête la mise en œuvre de cette mesure n’est prévue dans aucun établissement, surprenant, non ?
Du théâtre pour tous les élèves ?
Rien dans les textes officiels, pas de financement…
Une demie heure d’EMC supplémentaire ?
Rien dans la grille horaire des enseignements obligatoires. En revanche, la demie heure hebdomadaire apparaît bien comme telle, ce qui ne change absolument rien puisque les professeurs peuvent, fort heureusement, continuer à enseigner comme ils le souhaitent leur programme à l’intérieur de leur volume d’heures d’histoire, géographie et EMC.
Encore des économies sur le dos du collège, ses élèves et ses personnels
L’enquête a été l’occasion de confirmer que non seulement la mise en œuvre des groupes a consommé l’essentiel des moyens constituant la « marge d’autonomie » des établissements mais, en plus, ces moyens eux-mêmes diminuent de manière subreptice.
Jusque là, les établissements pouvaient ne pas consommer toute leur DHG et conserver une partie des HSA. Chaque HSA ainsi conservée se transformait en 36 HSE que l’établissement pouvait utiliser à sa guise en fonction de ses priorités. Tour de magie, désormais 1 HSA ne peut se transformer qu’en 30 HSE ! Ici c’est l’organisation des séances de natation pour les 6èmes qui est remise en question, là ce sont des projets existants qui ne pourront pas être reconduits.
Enfin, alors que le remplacement de courte durée est omniprésent dans les discours ministériels, il est désormais impossible d’assurer de telles heures autrement qu’en prenant un Pacte ! Les HSE dédiées aux heures faites ponctuellement par des collègues refusant de s’engager dans un Pacte ont tout simplement disparu. Encore une contradiction ministérielle, quel est l’objectif : Écouler ses briques ou assurer les cours ?
À l’heure où nous publions cet article, nous avons une nouvelle ministre, Anne Genetet, la quatrième en un an. L’information diffusée ce matin à son sujet concerne son soutien en tant que députée au SNU et, elle n’a pas de connaissance particulière de l’Éducation Nationale, autant dire que nous allons être très attentifs à ses prochaines expressions…